Lumières d’été

 

Akihiro, réalisateur japonais vit à Paris depuis 20 ans. Il revient à Hiroshima dans le but de rencontrer et interviewer des survivants de la bombe atomique afin de réaliser un documentaire.

Dans le Jardin du Mémorial de la Paix il rencontre Michiko, jeune femme très souriante et vêtue d'un costume traditionnel. Malgré la mélancolie qui l'a assailli à la suite de l'entretien avec une vieille dame survivante, Akihiro  est intrigué par cette fille étrange qui l'aborde sans la moindre gêne. Il accepte de la suivre. Ils vont marcher à travers la ville, discuter, rencontrer un homme et son petit-fils, assister à une fête traditionnelle.

C'est un film en forme de rêverie et d'interrogation. En point de mire il y a cette tragédie insensée qui s'est déroulée le 6 août 1945. Ce jour-là l'Etat-Major américain (le Président d'alors était Truman) décidait de faire abattre sur Hiroshima « le feu et la fureur »... en larguant une bombe A répondant au joli nom de Little boy. Le co-pilote de l'Enola Gay en découvrant de haut le résultat de cette abomination eut beau s'écrier « mon dieu, qu'avons-nous fait là ? », les Américains n'hésitèrent pas à réitérer l'horreur en lâchant Fat boy sur Nagasaki trois jours plus tard. Là, n'est pas le sujet du film à proprement parler. Nous ne verrons aucune horreur. Elle sera par contre évoquée dans le long préambule au cours duquel Madame Takeda âgée de 14 ans en 1945 raconte cette chaude journée du 6 août qui commençait presque comme les autres avec néanmoins l'espoir tenace qui flottait dans l'air que la guerre allait bientôt prendre fin. En effet, mais à quel prix !

Nul besoin d'images tant le récit de Madame Takeda est clair et précis pour évoquer l'apocalypse. A l'issue de son témoignage, on jurerait avoir vu les images. C'est donc de façon très sombre que débute le film. D'autant plus sombre qu'il est précédé d'un documentaire que Jean-Gabriel Pérot lui-même a réalisé en 2007 : 200 000 fantômes. Pendant 10 minutes défilent plus de 600 photos du fameux unique édifice resté intact après l'explosion. On le découvre avant, pendant puis après la bombe ainsi que le quartier et le fleuve qui l'entourent sur la musique envoûtante et hypnotique de Current 93,  Larkspur and Lazarus, aux paroles étonnamment adaptées. De façon insensée la vie, la végétation, tout reprend son cours à l'endroit même du drame. Aujourd'hui le Dôme de Genbaku (interdit au public) est devenu le Mémorial de la Paix où chaque année les japonais prient pour les victimes de la bombe atomique et pour l'éradication des armes nucléaires et une paix durable dans le monde.

Le film est plus léger même s'il invite à la méditation et à la réflexion, le personnage très gai, presqu'espiègle de Michiko est là comme pour dire à Akihiro qu'il ne faut pas céder à la mélancolie, qu'on peut encore rire, danser et chanter. Vivre.

En invitant un fantôme qui pourrait inciter à la rumination du passé, le réalisateur semble plutôt dire que le présent et l'avenir sont essentiels, qu'il faut se tourner vers la vie même si l'oubli est impossible. Comment le seul pays au monde ayant connu un holocauste nucléaire pourrait oublier ?

 

Pascale
Sur la route du cinéma
20 août 2017
www.surlarouteducinema.com/archive/2017/08/20/lumieres-d-ete-ete-des-singes-suprematie-5972494.html